J’ai eu le plaisir de répondre la semaine dernière aux questions du Regroupement des étudiants et des étudiantes du Cégep de Saint-Hyacinthe, qui a fait paraître le résultat de nos échanges à la page 30 de son journal L’Accro 2.0, que vous trouverez ici.
Je me permets de vous partager ici l’ensemble de mes réponses, puisque certaines ont dues être coupées lors de la publication du journal, par faute d’espace.
1) Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer en politique ?
Mon implication politique remonte à très longtemps. Jeune ado, je m’intéressais déjà à ces questions. Je suis devenu membre du Bloc québécois (alors dirigé par Gilles Duceppe) et du Parti québécois (alors dirigé par Bernard Landry) le jour de mon seizième anniversaire. J’étais alors un véritable boulimique de livres (ce que je suis toujours). Mon implication m’a mené à devenir président de l’aile jeunesse du Bloc en 2010, jusqu’en 2012. J’ai ensuite consacré plusieurs années à la vie des idées en développant une expertise en économie politique internationale, que j’ai pu exposer en tant qu’enseignant (dans plusieurs universités), étudiant (ayant terminé mon doctorat en 2018), chroniqueur (notamment au Journal de Montréal) et auteur (de trois livres). J’ai ensuite décidé de revenir en politique quand Yves-François Blanchet m’a demandé d’être candidat, car le Québec en était à la croisée des chemins. J’ai alors voulu mettre en application ces idées et cette vision développées au fil du temps, à travers l’action politique.
2) Considérant que l’éducation est une compétence provinciale, quelle est la différence que vous pouvez apporter aux étudiants du Cégep ?
Au fil des années, dans mes anciennes fonctions, j’ai pris position en faveur d’idées telles que la gratuité scolaire de la prématernelle jusqu’aux études postdoctorales (incluant donc le niveau collégial), pour une réforme profonde du Cégep pour contrer la marchandisation de l’éducation et valoriser la transmission de la culture, et pour l’application de la loi 101 au collégial. Bien entendu, étant désormais député fédéral, en plus d’être et d’avoir toujours été indépendantiste, ma fonction m’interdit de m’ingérer dans les juridictions du Québec. Cela vous donne néanmoins une idée de mes orientations profondes.
La situation est ardue pour les étudiants au collégial depuis le début de cette crise. Mon parti et moi avons appuyé l’élimination des intérêts sur le remboursement de la partie fédérale des prêts d’études canadiens et des prêts canadiens aux apprentis pour 2021-2022. Cependant, s’il est normal de vouloir épauler les étudiants en cette période de crise, le Québec a son propre programme de prêts est bourses. Il faut donc s’assurer qu’il y ait compensation pour les jeunes du Québec, au prorata du nombre d’étudiants postsecondaires.
3) Après plus d’un an de crise sociosanitaire, quel est votre constat des lieux ?
Celle-ci a montré, malgré plusieurs écarts, notre fort de sens de la solidarité. Nous devons tout à nos aînées et aînés, ainsi qu’aux travailleuses et travailleurs de la santé, et c’est pourquoi nous avons accepté ces sacrifices. La crise a aussi été un révélateur. Elle a montré les conséquences du fait qu’Ottawa n’envoie pas les sommes nécessaires aux provinces pour faire fonctionner adéquatement le système de santé. L’augmentation des transferts en santé aurait été une nécessité même sans la crise, car le vieillissement de la population crée une augmentation des coûts. Or, ce sont les provinces qui ont à embaucher les médecins, infirmières et préposés aux bénéficiaires, mais l’argent reste bloqué à Ottawa. La contribution d’Ottawa était initialement fixée à 50 pour cent des dépenses en santé. En 2021-2022, la contribution fédérale sera d’à peine 20 pour cent !
Il nous faudra sans doute également du temps pour évaluer tous les impacts de cette crise pour la santé mentale, notamment au niveau de l’isolement et de l’angoisse. La violence conjugale est sans doute l’autre virus qui se développe depuis un an. Les récents féminicides ont su nous faire comprendre la gravité de la situation, et l’urgence d’agir face à elle. Saint-Hyacinthe n’a pas été épargné, avec le récent assassinat de madame Nancy Roy. Nous avons heureusement d’excellents organismes d’interventions, à l’instar de La Clé sur la porte (pour les femmes) et Entraide (pour les hommes).
La crise nous a aussi fait prendre conscience de l’importance de l’achat local. Produire et consommer chez nous n’a que des avantages. Cela garantit des retombées économiques, des emplois et des produits de qualité, en plus d’exprimer notre solidarité et notre reconnaissance envers nos artisanes et artisans. Paradoxalement, en dépit de cette prise de conscience collective, ce n’est pas l’achat local qui sort gagnant de ce long confinement, mais les multinationales du numérique, qui peuvent nous rejoindre de façon beaucoup plus directe que le petit commerce du coin. Je me fais un devoir de promouvoir en permanence, et de diverses manières, l’achat local.
Finalement, il nous faut surveiller la tentation qu’aura Ottawa à tout vouloir centraliser. L’après-crise sera d’une importance névralgique. Qu’on regarde le refus d’Ottawa de mettre en place un rapport d’impôt unique géré par Québec, sa volonté de contester la loi 21 sur la laïcité, la non-augmentation des transferts sans condition en santé, la volonté d’établir des normes canadiennes en CHSLD : il est clair que l’après-COVID sera une vague centralisatrice sans précédent. Ottawa se construit comme seul État national, et veut remettre le Québec à sa place. Pour Ottawa, le Québec doit être une simple province, une succursale, un comptoir administratif. Le pouvoir canadien a toujours profité des crises pour nous faire reculer.
4) Quelles sont les attentes du Bloc québécois pour le prochain budget ?
Ce budget doit être celui de la fin de pandémie, mais surtout, celui de la relance de l’activité économique au Québec et de nos petites entreprises.
Nous exigeons 110 dollars par mois de plus à la pension pour les aînées et aînés dont le pouvoir d’achat recule. Nous revendiquons également l’augmentation des transferts fédéraux en santé, immédiatement et sans condition. Ce sont nos principales conditions pour appuyer le budget.
Nos demandes ne s’arrêtent pas là : les agricultrices et agriculteurs doivent recevoir leurs justes compensations pour les pertes qu’elles et ils ont subies dans les ententes commerciales, et le gouvernement doit impérativement garantir l’eau potable au robinet dans toutes les communautés autochtones, et la mise à niveau de la sécurité dans le secteur du transport ferroviaire.
Il faut, ultimement, des investissements pour une véritable relance écologique, sans retomber dans l’économie du pétrole du siècle dernier, et toujours au détriment du Québec, de l’aéronautique, de l’énergie verte et de la foresterie. L’argent doit aller dans les régions du Québec, dans nos ressources naturelles, la recherche, le génie et l’innovation.
5) Alors qu’il était annoncé le 16 mars dernier qu’un partenariat canado-Allemand était signé concernant les gaz naturels liquéfiés, qui sont considérés comme étant une énergie verte selon les libéraux. Où vous positionnez-vous quant à GNL Québec et à l’exploitation des gaz de schiste ?
GNL Québec n’est pas un projet porteur. Pour en évaluer ses conséquences, il faut prendre en compte les coûts environnementaux non seulement du projet en lui-même, mais aussi du transport futur du gaz naturel. Le Québec a mis sur pied le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) pour produire des rapports sur ce type de projets. Comme parti indépendantiste, nous accordons préséance aux institutions québécoises. Or, le BAPE a rendu son rapport et celui-ci n’est guère encourageant. Il est clair que GNL est un projet du passé.
C’est bien entendu le pétrole en lui-même qui est une énergie du passé. On peut s’attendre à ce que les faillites se multiplient. Les coûts d’exploitation sont également très élevés. L’impact sur l’avenir économique du Canada est considérable. Nous payons aujourd’hui, avec la crise de la COVID-19 et celle du pétrole, le prix pour le soutien indéfectible d’Ottawa, des banques et des fonds de pension au secteur du pétrole canadien. La part d’entreprises étrangères se lançant dans le pétrole canadien n’a cessé de s’amoindrir depuis environ 4 ans, rapportant ainsi très peu de redevances. Le pétrole de schiste représente donc une très mauvaise opportunité de développement, et le Canada semble en être prisonnier. L’un de ses plus grands drames est que, sur le marché mondial, au cœur de cette grande lutte géopolitique, il ne représente qu’un joueur mineur incapable d’influencer le jeu.
Il nous faut un vrai plan en matière d’électrification des transports, et pas seulement au niveau de la vente de véhicules individuels électriques (même si ce volet est essentiel et qu’il faudrait une loi obligeant les constructeurs automatiques à en vendre un nombre croissant). Malgré ce que les libéraux prétendent, il n’y a actuellement aucun plan d’électrification des transports. Il y a certes des rabais sur la vente de voitures rechargeables – le Canada étant le dernier pays industrialisé à mettre en place de telles mesures – mais ce n’est pas ce qu’on peut appeler un plan d’électrification des transports, lequel devrait logiquement inclure la flotte gouvernementale, les véhicules lourds, les camions de marchandise, etc. La filière « consommateurs et consommatrices » est certainement importante, mais il ne faut surtout pas négliger la filière industrielle. Un tel plan s’impose parce que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté au Canada depuis 1990. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le Canada est le pays dont les véhicules émettent le plus de GES au monde. Plus que les États-Unis!
Une loi pour contraindre Ottawa à respecter ses engagements dans le but de se conformer aux objectifs de la Conférence de Paris devra être votée. Vous me direz que nous ne sommes pas encore dans la réalisation concrète de l’électrification des transports, mais il est fondamental d’établir un cadre, un horizon, pour contraindre l’État canadien à poser des actions réelles. La loi inclura un mécanisme de reddition de compte et une clause exigeant d’en tenir compte, dans toutes ses actions (réglementations, subventions, contributions, fiscalité, etc.).
Selon un rapport d’Équiterre, en avril 2019, Finances Canada et Environnement Canada n’ont pas livré la marchandise en matière d’annulation des subventions aux énergies fossiles. 1,6 milliard de dollars aux pétrolières, selon l’organisme. Ce même groupe estimait en novembre 2018 que, de 2012 à 2017, Exportation et développement Canada a offert 12 fois plus d’argent aux énergies fossiles qu’aux énergies propres. Si vous doutez d’Équiterre, demandons au Fonds monétaire international ce qu’il en pense : en 2019, il estimait que les subventions directes et le soutien indirect aux énergies fossiles au Canada s’élevaient, en 2017, à 54 milliards de dollars.
Il faut aussi mettre en place un système capable de récompenser et de punir les provinces en fonction des résultats. C’est l’idée de « péréquation verte », portée par le Bloc québécois lors de la dernière campagne électorale. Nous proposons ainsi de hausser la taxe carbone pour les provinces où les émissions de GES par habitant sont plus élevées que la moyenne, pour verser le revenu ainsi obtenu aux provinces où les GES par habitant sont inférieurs à la moyenne. Le pollueur paierait ainsi le bon élève. Pour chaque dollar reçu en péréquation verte, Ottawa couperait 90 cents au chèque de péréquation. Ainsi, plus les émissions seraient basses, plus le chèque serait élevé. Ce mécanisme devrait lancer une véritable course à l’innovation verte. Payée par la taxation de la pollution, la péréquation verte serait moins coûteuse que la vieille formule de péréquation, payée par l’impôt sur le revenu. Sa mise en place permettrait une réduction des impôts sur le revenu des ménages québécois.
6) Où croyez-vous que se situe Saint-Hyacinthe Bagot dans la relance économique ?
Saint-Hyacinthe—Bagot est un centre de production et de transformation agroalimentaire. Notre région joue un rôle fondamental dans la sécurité et la souveraineté alimentaire du Québec. Elle est un véritable garde-manger. L’agriculture remplit nos assiettes et nos réfrigérateurs. Nous avons besoin de l’agriculture au déjeuner, au dîner et au souper.
Nous avons un système qui établit formellement, dans le domaine agricole, l’achat local. On l’appelle la gestion de l’offre. Parmi les piliers de la gestion de l’offre figure la protection des frontières pour préserver notre marché des produits étrangers qui sont TRÈS subventionnés et qui coûtent beaucoup moins cher à produire. L’idée de la gestion de l’offre, dont les vertus sont aussi nombreuses qu’évidentes, c’est qu’on ne peut traiter l’agriculture comme s’il s’agissait d’un marché parmi d’autres, selon les seules règles conventionnelles du commerce international.
Au fil du temps, les gouvernements du Canada se sont renvoyé la balle en promettant de ne jamais toucher au système de la gestion de l’offre advenant de futures négociations d’accords de libre-échange. Or, dans le cas du Partenariat transpacifique, de l’Accord économique et commercial global avec l’Europe, ou de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, on apprenait au terme de processus de négociations secrètes et même cachottières que le système de la gestion de l’offre n’en sortait pas indemne.
Le Bloc québécois a déposé un projet de loi pour protéger notre modèle agricole. Son démantèlement doit cesser. Il en va de l’avenir de nos économies rurales.
7) Quelle place ont les jeunes pour vous ?
Je connais toute l’importance de la sensibilisation politique. Les plus jeunes générations n’ont pas connu des années particulièrement enthousiasmantes au niveau politique. Elles ont souvent grandi sous des gouvernements cyniques brisant leurs promesses, avec l’impression que la politique ne pouvait rien changer. L’accessibilité et la proximité des élues et élus sont fondamentales, et c’est pourquoi j’ai créé le Conseil jeunesse (non-partisan) du député pour créer un canal de communication en permanence avec moi, et pour que les jeunes puissent avoir un espace de discussions et d’échanges. Contactez-nous pour vous y joindre !