Exclure la gestion de l’offre de futures négociations commerciales

Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère des affaires étrangères pour empêcher le gouvernement d’affaiblir à nouveau la gestion de l’offre. Dorénavant, il ne pourra plus négocier une augmentation des importations ou une baisse des tarifs qui protègent nos agriculteurs. Non à toutes futures brèches !

Les trois derniers accords commerciaux que le Canada a signés (l’AECG avec l’Europe, le PTPGP avec la zone pacifique et l’ACÉUM avec l’Amérique du Nord) contenaient des brèches dans la gestion de l’offre. Dans les deux derniers cas, le gouvernement avait promis de ne faire aucune brèche, la Chambre avait été unanime pour dire qu’elle rejetait toute brèche, mais ça n’a pas empêché le gouvernement de renier sa parole et de signer des accords sur le dos de nos producteurs sous gestion de l’offre.

Alors que le gouvernement s’apprête à entreprendre des négociations commerciales avec le Royaume-Uni post-Brexit, le Bloc Québécois ne se contentera pas d’une vague promesse : il faut un projet de loi pour s’assurer que le gouvernement ne puisse plus faire de nouvelles concessions.

Tel que promis en campagne électorale, le Bloc Québécois déposait le 24 février 2020,le projet de loi C-216 visant à interdire toute nouvelle brèche dans la gestion de l’offre dans les négociations commerciales.Le projet de loi dévoilé lundi par Louis Plamondon, député de Bécancour—Nicolet—Saurel modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement afin d’interdire au ministre de négocier un accord commercial qui aurait pour effet d’affaiblir le système de gestion de l’offre. Les partis se sont tous engagés à maintes reprises en Chambre à protéger intégralement la gestion de l’offre. Or, les conservateurs ont négocié une brèche dans la gestion de l’offre dans l’accord économique et commercial global avec l’Europe. Les libéraux ont quant à eux négocié deux brèches, dans le Partenariat transpacifique et dans l’Accord Canada—États-Unis—Mexique (ACEUM). Comme nous ne pouvons plus nous fier à la parole donnée par les partis fédéraux, il nous faut les empêcher par loi de brader une nouvelle fois nos agriculteurs. Il en va de la survie de notre modèle agricole fondé sur l’entreprise familiale plutôt que la méga-industrie, sur l’occupation de notre territoire et la mise en valeur de nos régions. Le Bloc Québécois sera toujours le plus fidèle allié de nos agriculteurs et de nos régions agricoles au Parlement fédéral.

Qu’est-ce que la gestion de l’offre

La gestion de l’offre est un outil essentiel du développement de l’agriculture québécoise, une agriculture à dimension humaine basée sur le principe de la souveraineté alimentaire. La gestion de l’offre est le moyen par lequel les producteurs de lait, de poulets, de dindons, d’œufs de consommation et d’œufs d’incubation établissent le meilleur équilibre possible entre l’offre et la demande de leurs produits au Québec. Les producteurs ne produisent ainsi que les volumes nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins des consommateurs d’ici et évitent la production de surplus qui devraient être écoulés à perte.

  • 6513 fermes familiales (lait, volailles, œufs d’incubation et oeufs de consommation);
  • La gestion de l’offre, c’est 116 000 emplois au Québec
  • C’est 8,7 milliards $de contribution au PIB et 2,1 milliards $ de recettes fiscales.

Rappelons que le Québec représente environ 40% de la production laitière (50% du nombre de fermes parce qu’elles sont plus petites que la moyenne canadienne), 25% de la production de poulet et une plus faible part du dindon et des œufs.

Les trois piliers de la gestion de l’offre
  1. On réglemente la production par un système de quotas, faisant en sorte que nos producteurs fournissent entièrement le marché intérieur, sans surplus ni pénurie;
  2. On réglemente les prix à la ferme pour qu’ils couvrent entièrement les coûts de production et génèrent un revenu raisonnable aux producteurs;
  3. On ferme les frontières pour éviter que les importations ne viennent perturber l’offre et la demande encadrées par le système de quotas de production.
La gestion de l’offre, un modèle avantageux
  • Pour les citoyens qui ont accès à des produits d’ici, de grande qualité, à des prix raisonnables, sans avoir à soutenir les agriculteurs à même leurs impôts;
  • Pour les gouvernements et pour l’ensemble de la société qui bénéficient des importantes retombées économiques et fiscales du secteur;
  • Pour l’industrie agroalimentaire qui est assurée d’un approvisionnement régulier de produits de grande qualité;
  • Pour les producteurs qui obtiennent un juste revenu entièrement du marché.

Le système fonctionne bien : grande stabilité des revenus et des prix, aucune subvention, production de grande qualité (comme les prix couvrent les coûts de production, les fermiers n’ont pas à se livrer à une course vers le bas : lait aux hormones, farines animales, moulée aux antibiotiques, etc.) À l’inverse, le système américain (libre-marché et subventions) fonctionne mal. La surproduction chronique provoque l’effondrement des prix, la faillite des petits fermiers, la concentration de la production dans des méga-fermes (parfois jusqu’à 15 000 vaches, alors que la ferme québécoise moyenne en compte 70) et mène à une production de type industriel de mauvaise qualité. On ne veut pas de ça chez nous.

Protéger notre industrie dans les Accords commerciaux

Il était nécessaire de déposer ce projet de loi pour garantir qu’il n’y ait plus jamais de brèche dans la gestion de l’offre lors des négociations d’accords commerciaux. Après trois trahisons consécutives tant de la part des libéraux que des conservateurs, les agriculteurs québécois ont assez payé. Le partenariat transpacifique (Accord de partenariat transpacifique global et progressiste – PTPGP ) est entré en vigueur le 30 décembre 2018.

  • L’accord – qui est tout de même positif pour les producteurs de porc québécois – passe malheureusement les producteurs sous gestion de l’offre à la trappe.
  • Même si les États-Unis (les deux tiers du PIB de la zone) se sont retirés du PTP, le Canada a maintenu la totalité des concessions qu’il avait faites sur la gestion de l’offre :
    • 3,25% pour le secteur laitier, 2,3 % pour les œufs de consommation, 2,1 % pour le poulet, 2 % pour le dindon et 1,5 % pour les œufs d’incubation.
    • À notre grande déception, le Canada n’a même pas cherché à renégocier cette concession lorsque les États-Unis se sont retirés.
  • Le gouvernement a même trouvé le moyen de nuire aux producteurs dans le choix de la date de ratification de l’accord :
    • Le marché laitier va ouvrir graduellement, sur sept ans.
    • Comme le gouvernement a ratifié le 30 décembre, nous sommes entrés dans l’année 2 dès le surlendemain, le 1er janvier.
    • Ainsi, les contingents d’importation – et les pertes – seront deux fois plus importants pour 2019 que s’il avait attendu 48 heures.
L’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), conclu le 1er octobre dernier, n’est toujours pas en vigueur...
  • Les trois pays devront auparavant adopter les lois de mise en œuvre qui permettront de le ratifier.
  • Compte tenu du bras de fer qui oppose les démocrates du Congrès et l’administration Trump, on ignore si et quand les lois de mise en œuvre pourront être adoptées, ni si elles exigeront des changements à l’accord.
  • Il est probable que le gouvernement Trudeau attende de voir ce qui se passe aux États-Unis avant de déposer une loi de mise en œuvre.
  • L’accord n’est pas entièrement mauvais pour le Canada (fin du chapitre 11, fin de la clause de proportionnalité dans le pétrole, protection du secteur automobile).
  • Par contre, il est mauvais pour le secteur agricole québécois, en ouvrant 3,6% du secteur laitier.
  • Pire encore, il donne un droit de veto à l’administration Trump pour nos exportations de protéines laitières partout dans le monde. Ça vient déséquilibrer toute notre production laitière.